Discours d’Agnès Buzyn, Congrès national de l’Association Nationale des Etudiants Sages-Femmes, Mercredi 04 juillet 2018

Seul le prononcé fait foi

Madame la Présidente de l’ANESF,

Chers étudiantes, chers étudiants,

Je regrette de ne pas pouvoir être présente, à vos côtés, ce dimanche à Reims, pour votre Congrès, qui pose une question ambitieuse, et plus que jamais décisive : quels enjeux pour la maïeutique ?

Pour ma part, j’en vois deux :

  d’une part, votre formation doit être transversale, pour s’inscrire dans une démarche de coopération ;

  d’autre part, nous devons faire de la prévention la priorité de notre système de santé.

1. L’avenir de notre système de santé, en effet, passe par la transversalité, la coopération entre les différents professionnels.

Votre rôle est primordial, et je dirais même nodal, tant vous êtes à l’intersection des différents acteurs.

Ma responsabilité, c’est justement de vous garantir la cohérence entre vos compétences et celles de vos collègues, pour qu’ils deviennent vos confères, vos consœurs : vos coéquipiers.

Qui dit travail d’équipe dit formation universitaire, et qui d’autre mieux que vous sait les opportunités qu’elle vous offre, pour que chacune, pour que chacun d’entre vous exprime ses talents individuels.

C’est bien pourquoi, je le sais, vous êtes attachés au statut universitaire de la formation initiale des sages-femmes, et à la recherche en maïeutique.

Soyez assurés que les travaux que je conduis, avec la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, s’inscrivent dans ce qui m’apparaît aujourd’hui comme le sens de l’histoire.

Ce qui m’importe, avant tout, c’est une pédagogie qui vous ouvre à d’autres disciplines, à d’autres professions, une pédagogie qui vous donne du jeu pour que vous laissiez libre cours à vos parcours personnels, dans ce qu’ils ont de singulier.

Comptez sur moi pour développer de nouveaux champs de recherche, pour que vous puissiez devenir enseignants-chercheurs, sans perdre le lien avec l’activité clinique.

  Je sais trop l’importance de marcher sur ces deux jambes, pour avoir pendant 20 ans mené de front la clinique, le terrain, avec la recherche de demain.

Pour autant, la recherche n’a qu’un seul but : savoir pour prévoir, afin de pouvoir.

2. Prévoir, c’est aussi le 1er axe que j’ai voulu pour ma stratégie nationale de santé, car nous ne faisons pas assez de préventif dans notre pays.

Or, vous le savez, le curatif n’est pas, et ne doit pas être, la seule corde à notre arc, si nous voulons agir avant qu’il ne soit trop tard.

Le service sanitaire, qui sera effectif dès la rentrée prochaine, doit justement diffuser des messages de prévention vers les populations les plus fragiles, pour que santé rime avec solidarités.

J’en veux pour preuve vos compétences, qui se sont considérablement élargies, pour mieux répondre aux attentes de vos patientes.

Je pense à la vaccination, à la lutte contre le tabac, à la lutte contre le surpoids, avec les corrélations qui ont été démontrées, entre le microbiote du nouveau-né et son arrivée par la voie basse.

C’est si vrai qu’aujourd’hui, vous êtes sur tous les fronts :

  maternités, cabinets libéraux, MSP (maisons de santé pluri-professionnelles), centres de santé, centres de PMI (Centre de protection maternelle et infantile), centres de planifications ou d’éducation familiale, maisons de naissance.

J’ai en tête vos préoccupations, en matière de qualité de vie au travail, de bien-être étudiant ;

  et je veillerai à ce que les préconisations du rapport de Donata Marra améliorent, de façon très concrète, vos stages au quotidien,

  tout comme l’Observatoire « qualité de vie au travail », que j’ai lancé le lundi 2 juillet, et qui doit répondre à vos attentes.

Chers étudiants,

Certes, les patientes auront la chance de vous avoir, à leurs côtés, pour les aider à devenir mères.

Mais vous aussi, vous avez la chance d’exercer le plus beau métier du monde, celui dont la finalité est la plus belle :

  donner la vie, ou du moins, accueillir le mieux possible un nouvel être sur notre Terre.

Vous le savez sans doute, Socrate expliquait au jeune mathématicien Théétète qu’il faisait le même métier que sa mère, Phénarète, qui était sage-femme, puisqu’il accouchait les âmes des citoyens athéniens. Je crois qu’il avait à la fois tort et raison.

Tort, parce que vous aussi, en tant que sages-femmes, vous accouchez les âmes, en diffusant des messages de prévention, en accompagnant les patientes, dans leur futur rôle de mère.

  D’ailleurs, vos missions sont au cœur d’enjeux de société – l’année 2017 a été, vous le savez, l’année de la femme, de l’égalité homme-femme – et au cœur d’enjeux de bioéthique, je pense aux débats sur la procréation.

Mais Socrate avait raison de rappeler l’importance de la maïeutique à un mathématicien : car votre savoir mérite de devenir une science à part entière.

Votre savoir, et je dirais, votre jeunesse.

Votre jeunesse est sans doute, paradoxalement, le plus puissant de vos atouts.

La difficulté, en effet, n’est pas tant de comprendre les idées nouvelles, que d’échapper aux idées anciennes.

Si posséder sa jeunesse fait, trop souvent, ignorer la jeunesse, n’oubliez pas qu’elle aussi, à sa façon, aussi un art, celle de se révolter contre les obstacles à un système de santé plus juste et plus efficace.

J’aime ces mots de Tristan Bernard : « L’inexpérience est ce qui permet à la jeunesse d’accomplir ce que la vieillesse sait impossible. »

La jeunesse est l’âge du possible : rien ne doit être trop difficile pour vous, vous devez être capable de toutes les abnégations, ne l’oubliez jamais.

Je vous remercie de votre attention et vous souhaite un bon congrès.

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