Discours d’Agnès Buzyn, Voeux à la presse - le 22 janvier 2019

Mesdames, messieurs,

Avec Christelle Dubos, je tenais à partager avec vous ce moment pour vous adresser mes voeux les plus chaleureux.

Des vœux de bonheur et d’épanouissement bien sûr, des vœux de courage et de sérénité aussi, puisque nous traversons une période tout à fait inédite, une période où la détresse de nombreux Français a éclaté avec fracas.

Nous avions repéré les causes de ce malaise de société et préparé les remèdes pour en sortir. Il faut croire que le malaise était trop grand, trop profond, et nos remèdes, sinon trop lents, à tout le moins trop tardifs.

Cette détresse partout exprimée, et la colère qui lui donne toute sa voix avec le mouvement des gilets jaunes, c’est l’autre visage d’un corps social meurtri et dominé par la peur de l’avenir : fragilisation du salariat ; illusions perdues de l’égalité des chances et de l’ascension sociale ; essoufflement du modèle d’intégration…

Les raisons de cette détresse sont multiples et nous obligent à redoubler d’efforts et d’ambitions.

La colère exprimée est éparse, elle est diffuse, mais certaines professions, certaines fonctions, cristallisent une hostilité toujours plus grande.

C’est le cas des journalistes, accusés de tous les maux et peut-être d’abord d’être les défenseurs dociles d’un « système » supposé ; ce mot de « système » est en réalité un grand défouloir, un concept sans contenu, si ce n’est peut-être celui du soupçon généralisé.

Certains de vos confrères ont été menacés, d’autres ont été pris à partie violemment. Je le dis sans la moindre ambiguïté : ces violences sont absolument inacceptables, elles sont odieuses, et l’expression d’une colère ne saurait en aucun cas les justifier.

Je sais que vous avez à coeur de transmettre à vos lecteurs, à vos auditeurs, à vos téléspectateurs, une information de qualité.

Force est de constater que cette responsabilité est de plus en plus difficile. D’aucuns, aujourd’hui, parlent de post-vérité, et adoptent une posture de défiance à l’égard des paroles expertes, rationnelles, qu’elles soient scientifiques, médicales, ou politiques.

Votre profession est ainsi prise entre deux feux : d’une part, le rythme toujours plus rapide de l’information en continu ; d’autre part, la concurrence des réseaux sociaux, où règnent l’instantané, le spontané, et des informations ni vérifiées, ni vérifiables.

Cette concurrence menace l’exigence même de vérité qui meut le journalisme au quotidien.

Cette information, en temps réel, ne laisse pas de place au recul, à l’analyse, à la formation du sens : un fait en chasse un autre, sans toujours faire droit à un ordre de priorités, à un contexte qui confère aux faits l’intelligibilité qui leur revient.

Je garde à ce titre un souvenir pour le moins désagréable des polémiques entourant l’extension vaccinale.

Notre parole a été concurrencée par les réseaux sociaux, où les fausses informations circulent d’autant plus facilement, d’autant plus impunément, qu’elles ne rencontrent aucune contradiction.

Comment rétablir la vérité quand n’importe qui peut opposer aux études scientifiques ses propres croyances, parfois fantaisistes ?

Ces comportements sont d’autant plus regrettables, qu’il en allait ici de la santé de nos concitoyens, de la santé de nos enfants.

J’ai donc bien conscience de la difficulté toujours plus grande du métier de journaliste, qui doit à la fois refuser le sensationnalisme et ne pas faire montre de complaisance à l’égard de la parole publique.

Nous entrons dans une période de débat et d’échange avec les Français.

Dans ce qui doit être un grand moment d’expression citoyenne, où chacun est invité à s’exprimer, les journalistes ont un rôle primordial à jouer, d’analyse évidemment, de décryptage et de diffusion des échanges, dans la diversité des revendications formulées.

Je suis déjà, depuis 18 mois, engagée dans une action résolue et déterminée, pour redonner du souffle à notre système de santé et du dynamisme à nos solidarités.

Vous n’êtes pas ici, si je puis dire, dans un ministère comme les autres. Chaque ministère oeuvre sans nul doute à l’intérêt général, mais le Ministère des Solidarités et de la Santé a ceci de particulier qu’il est celui du quotidien, celui de l’attention portée à l’Autre, celui du soin, et donc celui du sens.

Il sera j’en suis convaincue celui de la reconstruction du lien qui semble s’être progressivement rompu depuis des décennies. Ce lien, nous allons le retisser avec les Français, nous allons le retisser entre les Français.

Trop nombreux sont ceux qui ont le sentiment que la société s’est défaite et que le pacte républicain ne tient plus ses promesses.

Dans ce ministère, la justice sociale n’est pas un arôme ; elle n’est pas un idéal abstrait que l’on saupoudre sur des discours. La justice sociale est pour nous une exigence pratique ; elle est le seul moteur de notre action.

Vous le savez, deux grands chantiers, qui sont aussi deux missions magnifiques, nous mobilisent pleinement depuis ma prise de fonction : la transformation de notre système de santé et la lutte contre la grande pauvreté.

Avec « Ma santé 2022 » et le Plan de prévention et de lutte contre la pauvreté, nous avons réussi à engager des mesures qui amélioreront de manière concrète le quotidien des Français. A leur façon, elles sont, elles doivent être aussi, une réponse au malaise social ambiant.

D’une façon générale, la lutte contre les inégalités, de toutes sortes, est au coeur de notre action.

« Ma santé 2022 » a été pensée pour lutter contre les multiples inégalités auxquelles peuvent être confrontés les patients et les professionnels.

Agir pour rendre les soins plus accessibles dans tous les territoires, garantir à chacun la qualité et la sécurité des soins qu’il reçoit, démocratiser la télémédecine et les outils de la e-santé, oeuvrer pour donner aux professionnels les conditions de travail qu’ils méritent sont autant d’objectifs concrets que je porte avec tout le ministère.

Ces objectifs, nous ne les réaliserons pas seuls, mais toujours avec les territoires, dans la concertation. Cette philosophie est la seule à même de répondre aux besoins de nos concitoyens et de résorber les fractures territoriales qui s’accentuent.

Le diagnostic aujourd’hui partagé, nous l’avons construit au fil des mois, en rencontrant les acteurs de terrain.

Il s’agit à présent d’aller encore plus loin pour travailler ensemble et faire tomber les cloisons plutôt que de continuer dans une voie où l’absence de dialogue et de coordination alimentait une inégalité toujours plus grande dans l’accès aux soins.

Dans les mois qui viennent, les débats et les concertations vont se poursuivre, mais j’ai la conviction qu’en continuant dans la voie que nous avons tracée, notre système de santé sera à la hauteur des promesses qu’il a toujours portées.

Il en est de même pour la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, qui est un véritable plan de bataille engagé contre les inégalités de destin et Christelle Dubos l’évoquera dans quelques instants.

D’autres chantiers, ont été ouverts et pour chacun des chantiers, l’effort de concertation sera constant.

Je pense en particulier au financement du système de santé, avec la remise du rapport de Jean-Marc Aubert ; je pense aussi aux mesures pour l’accès aux soins, et notamment au déploiement de postes de médecins dans les zones les plus fragiles qui devraient intervenir dans les prochains mois, à celles pour accompagner la psychiatrie ou encore aux travaux pour mieux soutenir les parcours professionnels dans notre système de santé.

Je pense enfin aux négociations conventionnelles qui se sont engagées sur l’exercice coordonné et le déploiement des assistants médicaux.

Je ne vais pas dès maintenant apporter des précisions sur l’agenda de l’année 2019, mais simplement vous dire qu’elle verra émerger des débats et des mesures nouvelles notamment sur la protection de l’enfance, la bioéthique, la dépendance et les retraites.

Un document de synthèse regroupant les actions phares du ministère pour l’année 2018 et les actions phares projetées pour l’année 2019 vous donnera un aperçu très réel de la matière de ce ministère.

Il est entendu que les résultats du grand débat national seront logiquement de nature à modifier, enrichir, compléter ce programme de travail pour 2019 et les années suivantes.

Le programme de travail de ce ministère, déjà bien fourni, intégrera donc les conclusions du grand débat, qu’elles renvoient aux nouvelles attentes et aux besoins de résultats en matière d’accès aux soins dans certains territoires, de prise en compte des besoins spécifiques des familles monoparentales, ou de réaffirmation de notre ambition dans l’édification de l’Etat-providence du XXIème siècle, tant en matière d’universalité des prestations, que de personnalisation des parcours d’ouverture de droits.

Vous serez je le sais soucieux d’apporter sur tous ces sujets des éclairages utiles à vos lecteurs et à vos auditeurs pour faire vivre des débats qui s’annoncent passionnants.

Ce sens du débat, c’est un peu l’ADN du Ministère des Solidarités et de la Santé, qui veut inventer, qui veut construire la société solidaire de demain, parce que cette société solidaire est le meilleur rempart à toutes les démagogies et le remède le plus efficace aux maux dont elles se nourrissent.

Ce beau ministère est situé avenue Duquesne, du nom d’Abraham Duquesne, ancien lieutenant général des armées navales.

J’y vois le signe d’un cap qui sera tenu, et notre seul cap est celui de la justice sociale.

J’y vois aussi une promesse de résistance à bien des tempêtes.

Je vous remercie.

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