La contagion suicidaire

Les personnes exposées directement ou indirectement à un événement suicidaire sont plus à risque d’avoir des idées suicidaires, ou même de passer à l’acte. Au niveau individuel, être exposé à un suicide multiplierait de 2 à 4 fois le risque de passage à l’acte. Au niveau collectif, les exemples de suicides en séries dans les institutions (hôpitaux, entreprises, prisons, écoles, etc.), les corps de métiers (police, armée, médecins, etc.) ou les lieux à risque (voies ferrées, ponts, falaises, forêts, etc.) sont fréquents.

Ce phénomène de contagion suicidaire provoque des suicides qui surviennent soit de façon localisée dans des institutions ou sur des lieux à risque, soit sur tout un territoire sous l’influence des médias ou des réseaux sociaux. Sur ce point, l’amélioration du traitement médiatique du suicide occupe une place particulière. Face à ce phénomène, l’objectif est de proposer aux agences régionales de santé une stratégie intégrant des actions destinées à repérer les personnes et les lieux à risques, à promouvoir l’accès aux soins et à encourager l’entraide.

Concrètement, il s’agit, à l’échelon d’un territoire, d’une entreprise ou d’une institution, de définir et de mettre en place un plan d’actions en amont et en aval d’un événement suicidaire autour des quatre axes suivants :

Les médias

Au niveau national, les étudiants d’écoles de journalisme et des journalistes en activité sont sensibilisés aux enjeux d’un traitement médiatique du suicide précautionneux et conforme aux recommandations de l’OMS. Des interventions sont aussi organisées auprès des professionnels de la prévention du suicide pour mieux les armer lorsqu’ils sont sollicités par les journalistes. Il existe aussi un système national de veille et d’alerte auprès des médias, visant à circonscrire le risque de contagion en cas de crise. Ces actions s’appuient sur l’expertise du programme Papageno, porté par la Fédération régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale des Hauts-de-France.

Les lieux à risque

Un lieu à risque ou hot-spot suicidaire est un lieu, généralement public, fréquemment utilisé pour se suicider compte-tenu de sa facilité d’accès, de son efficacité potentielle et de son aura médiatique (exemples : Tour Eiffel, voies ferrées, stations de métro, ponts, falaises, etc.). Au niveau régional, il est donc recommandé d’établir une cartographie des hot-spots suicidaires pour permettre de repérer et d’agir sur ces lieux conformément aux recommandations internationales en la matière. Des partenariats sont en cours d’élaboration sur ce sujet, notamment avec IDF mobilités.

Le web et les réseaux sociaux

Le déploiement d’internet et des technologies de l’information et de la communication représente une opportunité pour améliorer l’accès aux soins et offrir une réponse professionnelle adaptée.

Toutefois, les personnes vulnérables, notamment les jeunes en souffrance qui y cherchent de l’aide de façon informelle, peuvent aussi se trouver confrontés à des contenus incitant aux comportements à risque. Le projet d’Équipe en ligne d’intervention et d’orientation pour la prévention du suicide (Elios) vise à exploiter les potentialités du numérique pour favoriser l’accès aux soins chez les jeunes suicidaires. Actuellement mis en œuvre et évalué dans le cadre d’un essai contrôlé randomisé, le dispositif pourrait être généralisé comme une offre de soins de droit commun.

La postvention

La mise en place, avant la survenue de tout événement suicidaire, d’une stratégie de postvention (c’est-à-dire d’un plan décrivant les actions à mettre en œuvre après la survenue d’un suicide) au sein d’une institution permet de restreindre et de limiter les répercussions d’un tel événement aux différents niveaux de l’institution, de réduire les risques psychopathologiques et suicidaires pour les membres exposés, et de prévenir ainsi la contagion. Le programme inspiré de l’Association québécoise de prévention du suicide « Programme de postvention : être prêt à agir à la suite d’un suicide » mis en place en 2020 constitue un premier support de formation à diffuser auprès des différents acteurs.