Avis du CCL du 3 novembre 2020 sur le projet de décret modifiant le décret n°2020-551 du 12 mai 2020 relatif aux systèmes d’information mentionnés à l’article 11 de la loi n°2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions

La loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, notamment son article 11, institue un Comité de contrôle et de liaison Covid-19 (dénommé « CCL-COVID ») chargé d’associer la société civile et le Parlement aux opérations de lutte contre la propagation de l’épidémie par suivi des contacts ainsi qu’au déploiement des systèmes d’information prévus à cet effet.

Le CCL-COVID, par l’entremise de son président, a été saisi par le Directeur des affaires juridiques, Secrétariat général, ministère des Solidarités et de la Santé, pour avis le 22 octobre 2020, par courrier.

La saisine pour avis porte sur le projet de décret modifiant le décret n° 2020-551 du 12 mai 2020 relatif aux systèmes d’information mentionnés à l’article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions.

La saisine du Directeur des affaires juridiques précisait les principales modifications présentes dans le projet de décret et portant sur les traitements Contact-Covid et SI-DEP. De plus, 4 argumentaires venaient expliciter les finalités de ces modifications :
 Argumentaire relatif à la consultation par les personnels et professionnels de santé des établissements de santé et des établissements sociaux et médico-sociaux des données relatives aux personnes prises en charge par leur établissement ;
 Argumentaire relatif au recours à la sous-traitance et à des intérimaires pour Contact-Covid ;
 Argumentaire relatif à l’ajout de données traitées dans Contact-Covid et SI-DEP ;
 Argumentaire relatif à l’ajout du Service public d’information en santé (SPIS) comme destinataire de SI-DEP.

Une première synthèse des contributions a été réalisée lors de la séance hebdomadaire du CCL-COVID. Le comité a demandé un échange complémentaire avec les services du ministère concernés afin de préciser différents éléments.

À partir des contributions et propositions d’amendements reçues des membres du comité, un projet d’avis a été soumis aux membres du CCL-COVID pour vote électronique à distance, le 3 novembre 2020.

L’avis présente les remarques et amendements, points d’attention et éléments de surveillance, que les membres ont jugé d’intérêt de communiquer.

1. Concernant la durée la conservation des données pseudonymisées traitées à des fins de surveillance épidémiologique et de recherche sur le virus jusqu’au 1er avril 2021

Le CCL-COVID prend acte de la formulation retenue « jusqu’à la date prévue au premier alinéa du I … article 11 » de la loi du 11 mai 2020, utilisée à plusieurs reprises dans le projet de décret (articles 1, 3, 5, 8, 10 et 11), pour définir la période permettant la modification des systèmes d’information et/ou la conservation des données. Les perspectives quant à la dynamique de la pandémie de Covid-19 imposent un allongement des mesures de lutte contre celle-ci.

Le CCL-COVID a déjà souligné, à plusieurs reprises, l’importance qu’il accorde à une conservation des données à des fins de recherche sur une durée pertinente au regard de cette finalité.

Ainsi, dans son avis du 15 septembre 2020, le CCL-COVID déplorait déjà « l’écart entre le souhait de faciliter les finalités de recherche de la part du législateur d’une part, et les durées limitées de quelques mois retenues pour y parvenir d’autre part. Cet écart prive de fait la collectivité de connaissances qui ne pourront voir le jour dans les délais prévus, ce qui peut apparaître comme une perte de chance importante, à la fois immédiate et future, en vue de la connaissance du phénomène épidémique.

Le CCL-COVID recommande une prolongation supplémentaire de cette durée de conservation des données, au-delà de 6 mois, à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire. Comme pour toute recherche en santé, cette conservation doit se faire, dans des conditions qui assurent le respect de la confidentialité et de la sécurité des données personnelles ».

2. Concernant la remontée des résultats de l’ensemble des examens de dépistage virologique ou sérologique réalisés par des professionnels de santé et plus uniquement des seuls examens de dépistage réalisés par les laboratoires de biologie médicale

Le projet de décret intègre le déploiement des nouveaux tests antigéniques. Ainsi, une nouvelle formulation « examens de dépistage virologique ou sérologique … du Covid-19 » est proposée (articles 1, 3, 8, 9, 10) pour remplacer la précédente formulation « examens de biologie » ou « examens de dépistage du Covid-19 ».

Le CCL-COVID considère que cette nouvelle formulation est inadaptée, car elle génère en effet une ambiguïté, en laissant supposer que les tests ne sont pas pris en compte dans les outils biologiques du dépistage.

Le CCL-COVID propose donc la formulation suivante : « examens de biologie médicale de dépistage virologique et tests de dépistage virologique du Covid-19 » sans y associer le terme sérologique.

Afin que le texte du décret et celui de la loi coïncident, il serait souhaitable que l’article 3 du projet de loi en cours de discussion qui modifie l’article 11 de la loi n° 2020 546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions soit rédigé de la même manière que celle du décret qui est la plus précise sur le plan de la terminologie.

Son 2° est ainsi rédigé actuellement dans le projet de loi : « Le II est ainsi modifié : a) Le 1° est ainsi modifié : à la première phrase, les mots : « des examens de biologie ou » sont remplacés par les mots : « d’examens de dépistage virologique ou sérologique ou d’examens ».

La proposition est de reprendre dans la loi, comme le propose le CCL-COVID pour la rédaction du décret, l’a terminologie suivante « examens de biologie médicale de dépistage virologique et tests de dépistage virologique du Covid-19 ».

3. Concernant l’ajout de l’accompagnement social des personnes infectées et susceptibles de l’être comme finalité de Contact-Covid (chapitre 1, article 1, III, 5° et article 3, VII)

Dans son avis du 15 septembre 2020, le CCL-COVID avait formulé une recommandation portant sur « Des SI non adaptés à la situation des personnes éloignées du système de soins ».

Le CCL-COVID est favorable à l’individualisation d’une 5ème finalité spécifiquement axée sur l’accompagnement social des personnes infectées et susceptibles de l’être (chapitre 1, article III, 5°). À l’article 3, VII, il est précisé que « Sont destinataires des données d’identité et des coordonnées téléphoniques des personnes mentionnées aux 1° et 2° du II de l’article 2, sous réserve du consentement de personnes intéressées, les cellules des préfectures dédiées à l’accompagnement social des personnes ».

Le CCL-COVID regrette que seules les cellules dédiées des préfectures soient indiquées et retenues comme destinataires des données d’identité et des coordonnées téléphoniques.

Le CCL-COVID craint que l’information qui sera faite, lors de la demande de consentement pour l’accompagnement social, auprès de certaines personnes vulnérables, concernant l’identité du destinataire des données personnelles (les cellules dédiées des préfectures), entraîne des refus de consentement.

Le CCL-COVID demande à ce que des structures associatives puissent être également destinataires des données.

4. Concernant la possibilité pour les organismes nationaux d’assurance maladie, la caisse nationale militaire de sécurité sociale, ainsi que les autres organismes de protection sociale (d’) avoir recours à des sous-traitants pour les finalités prévues aux 2°, 3° et 5° du III du même article 1 (chapitre 1, article 1, IV)

Le CCL-COVID souligne l’enjeu essentiel que constitue l’effectivité et la rapidité d’un parcours « Tester-Tracer-Isoler » (ou « Tester-Alerter-Protéger »).

Le CCL-COVID prend acte de l’impossibilité pour l’Assurance maladie de mobiliser un nombre suffisant de salariés (et/ou de recruter des personnels en Contrat à Durée Déterminée) au regard de l’évolution de l’épidémie et du maintien des activités essentielles pérennes des Caisses primaires d’assurance maladie.

Le CCL-COVID constate que le recours à des sous-traitants est déjà autorisé pour les ARS (article 14) « pour exercer, dans les conditions prévues à l’article 28 du règlement (UE) du 27 avril 2016 susvisé, les missions de réalisation des enquêtes sanitaires, d’orientation, de suivi et d’accompagnement des personnes et de surveillance épidémiologique ».

Le CCL-COVID émet un avis favorable au recours à des intérimaires ou des sous-traitants sous réserve de la mise en œuvre effective des contrôles permettant de s’assurer du respect du secret médical et de la protection des données personnelles.

5. Concernant la liste des catégories de données sur lesquelles portent Contact-Covid, complétée par les données collectées dans le cadre de l’identification des cas contacts (chapitre 1, article 2)

Le CCL-COVID émet un avis favorable aux ajouts à l’article 2, II, 1°, j) et 2°, j).

Le CCL-COVID émet un avis favorable aux ajouts à l’article 2, II, 1° k) et 2°, k).

Le CCL-COVID demande pour les ajouts à l’article 2, II, 1° l) et 2°, l) que les catégories de rassemblement soient définies (ex. : rassemblement festif).

Le CCL-COVID demande pour les ajouts à l’article 2, II, 1° q), r), s) que les objectifs épidémiologiques soient mieux précisés. De plus, le CCL-COVID considère que le choix de la période de « quatorze jours » est incohérent et source d’incompréhension au regard des recommandations concernant la durée d’isolement (7 jours).

6. Concernant les ajouts à la liste des personnes autorisées à enregistrer et consulter l’ensemble des données traitées dans Contact-Covid (chapitre 1, article 3)

Sous réserve des contrôles et des demandes formulées concernant la modification du « chapitre 1, article 1, IV », le CCL-COVID émet un avis favorable aux ajouts à l’article 3.

7. Concernant la modification des personnels et professionnels de santé des établissements autorisés à consulter les données qui sont relatives aux personnes prises en charge par leur établissement (chapitre 1, article 3)

Le CCL-COVID émet un avis favorable aux ajouts à l’article 3.

8. Concernant les ajouts de données enregistrées dans le traitement SI-DEP (chapitre 2, article 9)

Le CCL-COVID émet un avis favorable aux ajouts à l’article 9.

9. Concernant l’ajout à la liste des destinataires des données de SI-DEP, le service public d’information en santé (SPIS) (chapitre 2, article 10)

Il s’agit à partir de certaines données issues de SI-DEP, de publier sur le site internet « Santé.fr », en plus des coordonnées des laboratoires d’analyse médicale ou des sites transitoires référencés par les ARS, les coordonnées des professionnels qui pratiquent l’ensemble des tests disponibles (y compris les tests antigéniques). Cette publication doit permettre à la population d’être informée en temps réel des lieux auxquels les personnes qui le souhaitent, ou qui le doivent, peuvent se rendre pour se faire dépister au SARS-COV-2.

Sur la question du respect des garanties entourant le secret médical et de la protection des données personnelles, le CCL-COVID n’a pas d’observation à formuler sur les données mentionnées aux 4° et 6° de l’article 9 mentionné dans le projet de décret dès lors qu’il n’est pas prévu de transmission à partir de SI-DEP de données nominatives de patients.

Sur la question de l’utilisation des données transmises par SI-DEP vers SPIS au service d’une cartographie des lieux de dépistage, le CCL-COVID émet un avis défavorable en l’état : La mise à disposition du grand public des informations sur les lieux permettant un dépistage du SARS-COV-2, sous la forme de cartographies, doit certes permettre une meilleure orientation des personnes. Cependant cette orientation ne s’appuie pas sur les recommandations HAS d’utilisation des différents tests et examens de dépistage du SARS-COV-2. Ainsi, un patient atteint de Covid-19 avec des symptômes datant de plus de 4 jours, pourrait être orienté, en privilégiant un simple critère de proximité, vers un lieu de dépistage utilisant un test antigénique.

Le CCL-COVID demande qu’une réflexion soit menée, avant la diffusion des lieux de dépistage par test antigénique sur « Santé.fr », quant aux informations devant être associées, pour permettre une orientation pertinente et éclairée de l’usager, au regard des recommandations de la HAS. À défaut, la cohérence de la stratégie de dépistage s’en trouvera fragilisée.

Avis du 03.11.20 sur le projet de décret modifiant le décret n° 2020-551 du 12 mai 2020 relatif aux systèmes d’information mentionnés à l’article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions.