1. Le porteur du projet
Coordonnées complètes
Établissements de santé : Fondation hôpital Ambroise Paré
1 rue d’Eylau
13006 Marseille
et Association hôpital Paul Desbief
38 rue de Forbin
13002 Marseille
Coordonnées complètes et fonction du contact
Christel ESTIENNE, responsable juridique
Tél. 04 91 83 37 66
Courriel : c.estienne[@]ch-ambroisepare.fr
2. Le contexte
L’origine
La violence au sein des familles s’exerce dans la majorité des cas contre les femmes. Selon l’enquête nationale sur les violences envers les femmes en France métropolitaine (ENVEFF), près d’une femme sur 10 a été victime de violences conjugales (verbales, psychologiques, physiques, sexuelles) au cours des 12 derniers mois.
Ces situations de violence sont devenues un véritable problème de santé publique puisqu’elles ont des répercussions sur la santé physique et mentale des femmes qui en sont victimes, ainsi que de leurs enfants.
De plus, la violence conjugale a des répercussions directes sur l’activité professionnelle. Elle provoque notamment de grandes souffrances personnelles et une baisse de productivité.
Ce sont les raisons pour lesquelles, nous avons décidé de créer à destination des patients et du personnel, une cellule d’accueil des personnes maltraitées au sein de nos hôpitaux.
La création de cette cellule a été au départ motivée par le fait que nous accueillons régulièrement aux services des urgences des patients victimes de maltraitance (violences sur conjoint ou ascendant ou descendants) ou susceptibles de l’être.
Or, bien souvent après avoir été reçus par le médecin, le relais était immédiatement passé aux associations locales.
Inscrite dans la note d’orientation stratégique du projet d’établissement 2009-2012 et dans la charte des valeurs , nos hôpitaux se sont engagés dans une politique de promotion de la bientraitance et de lutte contre la maltraitance qui se veut efficace et pérenne.
C’est dans ce cadre que le comité de bientraitance, émanation du comité d’éthique inter-hospitalier, a mis en place une cellule d’accueil des personnes maltraitées dans chacun des deux établissements, à destination des patients et des personnels.
La finalité
Afin d’améliorer la qualité de la prise en charge ainsi que pour une plus grande efficacité, une cellule d’accueil a été créée dans chacun de nos hôpitaux. La prise en charge dispensée par les référents de la cellule auprès des patients a été par la suite et très rapidement, étendue à un certain nombre de nos salariés.
La description du dispositif
1- Création d’une cellule d’accueil des personnes maltraitées :
Composition pluridisciplinaire :
Médecins urgentiste |
Psychiatre |
Psychologue |
Responsables infirmier service des urgences |
Responsables infirmier service de chirurgie |
Aides soignantes |
Secrétaires médicales |
Assistantes sociales |
Juriste |
Interprète |
Assistantes de direction |
– Personne ressource : médecin du travail (si la victime est salariée de l’établissement).
– Missions :
La prise en charge de la victime et/ou de l’entourage familial (accueil, écoute, information, accompagnement, soutien et orientation) est faite via ses référents, en fonction de leur champ de compétences.
La plupart des patients est dépistée aux services des urgences ou s’y présente spontanément pour bénéficier de soins et pour l’établissement de certificats médicaux. Après avoir été pris en charge par le médecin urgentiste, les patients sont immédiatement orientés vers les référents de la cellule en fonction de leurs attentes (essentiellement vers la juriste, la psychologue ou le psychiatre, l’assistante sociale). Un suivi tout au long de leur parcours de victime leur est proposé (aide dans les démarches juridiques, sociales, soutien psychologique…).
Les salariés victimes de violences familiales bénéficient d’une aide identique. Ils peuvent être suivis par les référents de la cellule en dehors des murs de l’hôpital ou par les référents de l’hôpital Paul Desbief s’ils sont salariés de l’hôpital Ambroise Paré et vice versa.
2- Formation des référents de la cellule à :
– L’identification, la prévention et la prise en charge de la maltraitance.
– La prise en charge des victimes de violences conjugales.
3-Rédaction et mise en place des supports nécessaires à la prévention des risques et à la prise en charge des victimes d’actes de maltraitance.
4-Formation de l’ensemble du personnel à l’identification, la prévention et la prise en charge de la maltraitance.
5-Formation systématique pour tout nouvel arrivant à l’identification, la prévention et la prise en charge de la maltraitance.
Les acteurs
Inscrite dans la note d’orientation stratégique du projet d’établissement 2009-2012 et dans la charte des valeurs , nos hôpitaux se sont engagés dans une politique de promotion de la bientraitance et de lutte contre la maltraitance qui se veut efficace et pérenne.
C’est dans ce cadre que le comité de bientraitance, émanation du comité d’éthique inter-hospitalier, a mis en place une cellule d’accueil des personnes maltraitées dans chacun des deux établissements, à destination des patients et des personnels.
Les axes prioritaires
1- L’implication des professionnels de santé dans la promotion des droits des patients.
Les professionnels de santé sont fortement impliqués dans la promotion des droits des patients. Ils y ont tout d’abord été sensibilisés par le biais de formations annuelles, lesquelles sont depuis un an dispensées systématiquement à tout nouvel arrivant.
Plusieurs thématiques sont abordées dont notamment les suivantes :
– bientraitance/repérage et prise en charge de la maltraitance,
– CRUQ-PC, cellule de gestion des plaintes et réclamation et rôle du représentant chargé des relations avec les usagers,
– Accès du patient à son dossier médical,
– Information du patient pour le recueil de son consentement éclairé,
– Prise en charge du patient en fin de vie,
– Prise en charge de la douleur post opératoire,
L’implication des professionnels dans la promotion des droits des patients s’est tout particulièrement traduite par leur présence et leur participation aux journées européennes des droits des patients organisées en avril 2010 et avril 2011.
2- Les dispositifs incitant à promouvoir la bientraitance et la qualité de service dans les établissements de santé.
Parmi les dispositifs incitant à promouvoir la bientraitance et la qualité de service dans nos établissements de santé nous pouvons citer à titre non exhaustif :
– Création et mise en place du comité de bientraitance,
– Établissement du programme de politique de bientraitance 2009-2012,
– Création de la cellule d’accueil des personnes maltraitées
– Organisation de journées d’information à destination des patients :
· Journées européennes droits des patients
· Hôpital sans tabac
· Journées mains propres
3. Le réalisation
La mise en oeuvre
Nous n’avons pas rencontré de difficulté particulière pour la mise en place de ce projet. En effet, beaucoup de salariés ont réalisé que la violence conjugale n’était pas une affaire privée, mais que c’était l’affaire de tous.
Cette prise de conscience leur a permis tout d’abord de mieux repérer les patients ainsi que leurs collègues de travail se trouvant dans cette situation. Concernant ces derniers, ils ont pu mieux comprendre les comportements que les victimes pouvaient avoir sur leur lieu de travail et les inciter à se rapprocher de la cellule d’accueil pour être aidés en toute confidentialité.
Concernant la confidentialité, nous veillons tout particulièrement à ce que l’anonymat des salariés victimes soit préservé. C’est pourquoi, il existe une cellule d’accueil au sein de chacun de nos deux hôpitaux, de façon à ce qu’un salarié d’un établissement, puisse s’il le souhaite, être pris en charge par la cellule de l’autre établissement.
Dans le même esprit de prise en charge individualisée et adaptée, la victime peut rencontrer les référents en dehors des murs de l’hôpital.
Les représentants des usagers ont été parties prenantes de l’origine du projet jusqu’à son aboutissement notamment : en intégrant et en participant à tous les travaux du Comité de Bientraitance, en suivant la formation relative à l’identification, la prévention et la prise en charge de la maltraitance, en participant à la tenue d’un atelier sur l’éthique, la bientraitance et la cellule des personnes maltraitées au mois d’avril 2010 dans le cadre de la journée européenne des droits des patients.
En externe, développement d’un partenariat avec "SOS Femmes", le Conseil Général, les avocats du barreau de Marseille.
Le calendrier
20/05/2009 : Mise en place du Comité de bientraitance – Elaboration du calendrier d’actions – Répartition des missions entre les membres du Comité.
11/06/2009 : Validation par le Comité de bientraitance du questionnaire Maltraitance/Bientraitance en vue de l’enquête de connaissances à mener auprès de l’ensemble des salariés, médecins et bénévoles intervenant au sein des établissements- Organisation des journées d’information sur les violences conjugales à destination des patients et du personnel par SOS femmes.
Juillet-Septembre 2009 : Réalisation de l’enquête de connaissances auprès de l’ensemble des salariés, médecins et bénévoles intervenant au sein des établissements et destinée notamment à évaluer leur degré de connaissance sur les situations à risques et les actes avérés de maltraitance.
Octobre 2009 : Formation par SOS « améliorer le repérage et l’accueil des victimes de violences conjugales » et mise en place de la cellule d’accueil des personnes maltraitées.
: Définition des axes de travail concernant la rédaction des procédures relatives à la conduite à tenir en cas de suspicion de maltraitance ou de maltraitance avérée.
12/11/2009 : Validation par le Comité de bientraitance des protocoles et documents concernant la prise en charge des personnes maltraitées-Traçabilité des interventions de la cellule d’accueil- Fixation des réunions de la cellule d’accueil.
27/01/2011 : Audit structurel relatif à la lutte contre la maltraitance et à la promotion de la bientraitance (1er tour).
Février-Avril 2011 : Validation du plan d’actions et mise en oeuvre-Formation de l’ensemble du personnel+de tout nouvel arrivant+des représentants des usagers à l’identification, la prévention et la prise en charge de la maltraitance-tenue d’un atelier sur l’éthique, la bientraitance et la cellule d’accueil des personnes maltraitées au mois d’avril 2010 à destination des personnels, médecins et patients, dans le cadre de la journée européenne des droits des patients-mesure du niveau de stress et de l’évaluation du bien-être professionnel du personnel lors de la visite médicale annuelle
08/02/2010
16/06/2010 : mise en place des indicateurs de suivi par la Cellule d’accueil des personnes maltraitées
Comment et combien ?
Le coût de la mise en place et du fonctionnement de la cellule d’accueil des personnes maltraitées a été entièrement financé par les deux hôpitaux sans subvention extérieure :
– Coût des 2 sessions de formation et du remplacement du personnel : 17 731 €+ Mémoire
– Coût du personnel référent affecté à la cellule :15 164 €+ Mémoire
– Coût formation en interne de l’ensemble du personnel et des représentants des usagers : Mémoire
– Coût matériel : 550 euros
La communication
Notre projet a reçu le trophée du Management des ressources humaine en santé (catégorie action publique et sociale) au Sénat le 30 novembre 2010. Ce concours était organisé par le « Quotidien du médecin » et « décision Santé ».
Nous avons également signée une convention de Partenariat avec l’association « SOS femmes » dont la teneur a été relatée dans « la Provence » du 25 novembre 2010 et dans « Priorité Santé » 2010.
Le Préfet a l’égalité des chances a souhaité être co-signataire de cette convention de partenariat qui est une première en France. La signature est intervenue lors d’une cérémonie officielle à laquelle la presse était présente, le 4 mai 2011.
L’annonce de la création de la cellule d’accueil des personnes maltraitées a été faite auprès de l’ensemble du personnel via :
– un article dans le journal interne des hôpitaux du mois de septembre 2009,
– la mise en ligne sur l’intranet des deux hôpitaux, des procès-verbaux des 22 octobre et 12 novembre 2009 du comité de bientraitance rendant compte du projet et de sa mise en oeuvre,
– la création d’une adresse mail accessible également depuis l’intranet, permettant de contacter en toute confidentialité les référents de la cellule.
– une note interne du 13 novembre 2009 diffusée à tout le personnel et les médecins,
– le livret d’accueil du personnel,
– l’affichage dans tous les services des noms et coordonnées téléphoniques des référents de la cellule,
– lors des sessions de formation dispensées au personnel sur l’identification, la prévention et la prise en charge de la maltraitance.
Le compte rendu d’activité de la cellule d’accueil a été évoqué dans le rapport semestriel de la médecine du travail, présenté au comité d’entreprise des deux hôpitaux au mois de juin 2010.
4. Et après
Les resultats
La plus- value du projet est indéniable : La prise en charge des victimes est immédiate, coordonnée, continue et adaptée de façon individuelle à leurs attentes. Concernant les patients et les salariés ayant accepté un suivi, les référents de la cellule ont pu constater au fil des entretiens que le moral des victimes s’améliorait (moins de stress, moins d’angoisse), qu’elles reprenaient peu à peu confiance en elles et qu’aucune n’avait à ce jour souhaité mettre fin de façon prématurée au suivi dont elles bénéficiaient.
Cependant nous devons poursuivre notre action sur les points précis suivants :
1. La mise en place d’un dispositif permettant de ne pas perdre le contact avec les victimes de violences conjugales qui ont dans un premier temps refusé un suivi régulier par les référents de la cellule,
2. la mise en place d’un dispositif spécifique de prise en charge des hommes (et notamment âgés) victimes de violences de la part de leur conjointe car il n’existe pas en France de structures comparables à celles offertes aux femmes,
3.la mise en place d’un partenariat avec le bureau départemental de la Police Nationale d’aide aux victimes dont les effectifs ont été formés spécifiquement à la prise en charge des victimes de violences conjugales,
4. la dispensation de formation nouvelle et spécifique à la prise en charge des mineurs en danger.
La création d’une cellule d’accueil des personnes maltraitées et la mise en place de partenariats sont parfaitement transposables à d’autres établissements de santé pourvu qu’ils en aient la réelle volonté.
Evaluation et suivi
Afin de mesurer l’impact des actions, le comité de bientraitance a défini un ensemble d’indicateurs afin d’évaluer la poursuite des objectifs fixé par le plan d’actions notamment pour le repérage et la prise en charge des violences conjugales.
– Indicateur de suivi mensuel permettant de suivre le nombre de personnes, la nature des actes, l’auteur des actes et les modalités de prise en charge des patients et des salariés ayant eu recours à la cellule d’accueil des personnes maltraitées.
– Indicateur de suivi quantitatif annuel de la formation du personnel à la prévention et à la prise en charge de la maltraitance.
– Indicateur de suivi quantitatif du nombre de salariés dont le niveau de stress et l’évaluation du bien être professionnel ont été mesurés lors de la visite annuelle.
Depuis la création de la cellule d’accueil, 64 victimes ont été prises en charge (le nombre de victimes accueillies est stable (environ 8 par mois sur les deux cellules). Parmi elles, 24 personnes n’ont pas souhaité bénéficier d’un suivi continu par les référents de la cellule car elles ne se sentaient pas encore prêtes à sortir du schéma de violences conjugales. Elles désiraient simplement être écoutées et conseillées.
Ces personnes représentent un tiers des victimes accueillies. Il apparaît indispensable de mettre en place un dispositif spécifique afin de ne pas perdre le contact avec elles.
Quelques conseils et témoignages
La réussite du projet dépendait largement de l’adhésion de l’ensemble des salariés à la politique de lutte contre les violences conjugales menée par les deux établissements, et de la confiance que les victimes pouvaient accorder aux référents de la cellule.
Or, nous pouvons constater que le personnel est très impliqué dans la démarche, n’hésitant pas à se rapprocher des victimes en les aidant à sortir du silence et en les invitant à prendre contact avec la cellule d’accueil, ou contactant directement les référents de la cellule afin de prendre conseil sur la conduite à tenir vis-à-vis de cette victime.
La compétence, la disponibilité et la discrétion des référents de la cellule sont reconnus par les patients et les salariés, si bien que le nombre de victimes pris en charge est constant. (Cf-Témoignage page 25 du dossier).
Même si notre contribution reste limitée aux moyens dont nous disposons pour lutter contre ce fléau, le fait de proposer à toutes les victimes de violence de sortir de la spirale de la peur, de reconquérir leur dignité et de revenir à une vie normale constituent pour elles un grand soulagement car elles se sentent écoutées, épaulées et surtout beaucoup moins seules.