Discours d’Aurélien Rousseau lors de l’ouverture du second Comité de pilotage de la Stratégie nationale de lutte contre l’endométriose

Mercredi 4 octobre 2023 à Rennes

Seul le prononcé fait foi

Madame la ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Sylvie Retailleau,
Madame la ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, Bérangère Couillard,
Monsieur le Préfet, Philippe Gustin,
Madame la maire de Rennes, Nathalie Appere,
Madame la directrice générale de l’ARS Bretagne, Elise Noguera,
Madame la directrice du CHU de Rennes, Véronique Anatole Touzet,
Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités, titres et fonctions,

Je suis très heureux de vous retrouver pour ce deuxième Comité de pilotage de la Stratégie nationale de lutte contre l’endométriose.

L’actualité politique donne à ce Comité de pilotage une dimension particulière. J’espère que nous parviendrons à utiliser certaines tentatives opportunistes comme une raison de plus d’avancer encore plus vite, pour ne pas être rattrapés.

Je vous remercie d’être toutes et tous présents, au cœur du CHU de Rennes, ou en visioconférence, pour cet évènement qui nous réunit aujourd’hui, afin de faire un point d’étape, dresser un premier bilan et tracer de nouvelles perspectives, pour faire avancer, avec une ambition renouvelée, ce combat qui nous rassemble.

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La douleur c’est comme « hurler sans bruit », sans le dire, pour reprendre la formule utilisée par Marguerite Duras.

Ce vide, c’est celui auquel ont fait face, pendant trop longtemps, les patientes qui souffrent d’endométriose.

Nous parlons ici d’une femme sur 10, soit 1,5 à 2,5 millions de Françaises, qui vivent avec une maladie chronique, encore insuffisamment connue, et pourtant très fréquente.

Je vous parle du vide de souffrir en silence, au quotidien, d’une douleur parfois invalidante, à l’école, dans les transports, au bureau.

Je vous parle du vide ressenti par celles atteintes dans leur désir de maternité, face à ce qui constitue une des premières cause d’infertilité en France.

Je vous parle du vide de l’absence de réponse, quand l’errance médicale est en moyenne de sept ans avant un diagnostic d’endométriose.

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Le ministère de la Santé est sans doute celui - et je le dis en ce 65ème anniversaire de notre Vème République - qui a été proportionnellement le plus occupé par des femmes. Et si vous prenez quelques minutes pour repenser à des noms, vous verrez la charge qui peut peser sur moi.

J’ai eu l’occasion de l’affirmer à plusieurs reprises : parmi les droits des femmes, le droit à la santé, le droit à des soins, à une prise en charge et à un accompagnement, adaptés, pour toutes, est absolument primordial.

Il est indispensable de mieux reconnaître les particularités et les vulnérabilités spécifiques auxquelles font face les femmes, et qui ont trop longtemps été marginalisées, dans la prise en charge clinique, comme dans la recherche.

J’assume de le dire : notre système de santé ne s’adapte pas assez vite aux spécificités des femmes.

C’est pour cela, qu’en tant que ministre, porter une véritable politique de santé et d’accompagnement des femmes est une priorité et un pilier de mon action, dans le cadre de mon combat contre toutes les facettes des inégalités de santé.

La lutte contre l’endométriose est en ce sens absolument fondamentale. Tant d’un point de vue sociétal que médical et scientifique.

Parce que l’endométriose, comme bien d’autres problématiques spécifiques aux femmes, a longtemps été invisibilisée et banalisée.

L’endométriose a été décrite pour la première fois par le médecin autrichien Karel Rokitansky, en 1860. Pourtant, jusqu’à encore trop récemment on n’en parlait pas. Et elle reste aujourd’hui encore une maladie souvent mal comprise.

En particulier, parce que certains tabous et clichés d’un autre âge, persistent autour de la santé gynécologique et des règles.

La parole s’est progressivement libérée, la recherche progresse. Et, sans les associations, sans leur abnégation, sans certains professionnels de santé, les pouvoirs publics auraient-ils bougé ?

L’endométriose est enfin devenue une affection visible par la société et un enjeu de nos politiques de santé publique.

Il est de notre responsabilité d’y apporter une réponse à la hauteur.

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Cette ambition, elle s’incarne dans notre stratégie nationale de lutte contre l’endométriose, lancée par le président de la République en janvier 2022, qui le rappelait : « Ce n’est pas un problème de femme, c’est un problème de société ! ».

Le caractère prioritaire de ses 3 axes, et la nécessité d’avancer dans le déploiement de ses 58 mesures et non moins de 123 actions, a été réaffirmé dans le plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes, présenté le 8 mars dernier par la Première ministre, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes.

Fruit d’un long travail de concertation et de co-construction, avec les professionnels, avec les experts, avec les associations de patientes, notre stratégie permet d’apporter des réponses structurelles, exhaustives et opérationnelles à cet enjeu complexe.

Certes, tout n’est pas encore parfait, il reste du travail. Mais nous pouvons être fiers de nous dire collectivement qu’aujourd’hui 85 % des actions de la stratégie sont déjà réalisées ou en cours de mise en œuvre.

L’instruction que j’ai signée jeudi dernier, à destination de l’Assurance maladie, de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, des directeurs généraux des Agences régionales de santé (ARS) et de mes directeurs d’administrations centrales a permis d’en approfondir certains points, d’enclencher de nouvelles actions complémentaires, là où nous avons identifié un besoin saillant, comme d’accélérer et de préciser le calendrier.

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Tout d’abord - c’est le premier axe de la Stratégie, il s’agit de placer la France aux avants postes de la recherche et de l’innovation sur l’endométriose.

Et cela grâce à un investissement d’ampleur : 30 millions d’euros consacrés à un programme prioritaire de recherche, intitulé « santé des femmes et santé des couples ».

J’insiste sur le montant, car cela représente 10 millions de plus que la somme initialement prévue dans la stratégie en 2022, alors même que le programme a été recentré autour des deux axes, intimement liés, que sont l’infertilité et l’endométriose.

La ministre Sylvie Retailleau vous en dira un peu plus dans quelques instants. Je salue et remercie également les membres de l’Inserm qui sont présents aujourd’hui pour nous présenter, pour la première fois, après plus d’un an de travaux, ce programme finalisé, qui entre désormais dans sa phase opérationnelle.

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Le deuxième axe de la Stratégie porte l’objectif de garantir un diagnostic rapide et l’accès à des soins de qualité sur l’ensemble du territoire.

Le cadre d’action de ce deuxième axe se trouve notamment dans la structuration, dans chaque région, sous l’égide des Agences régionales de santé (ARS) d’une filière dédiée à la prise en charge graduée de l’endométriose sur l’ensemble de leur territoire, s’intégrant aux organisations et aux dispositifs de coordination préexistants.

Soutenues par des budgets annuels du Fonds d’intervention régional (FIR) à hauteur de 4,5 millions d’euros, ces filières sont la principale mesure d’organisation des soins portée par la Stratégie.

Le cadre d’orientation défini pour ces filières, et leur cahier des charges sont exigeants. Néanmoins cela n’a pas été un obstacle à une avancée très positive de leur déploiement.

5 régions, dont la Bretagne, avec sa filière « EndoBreizh » qui vous sera présentée tout à l’heure par son Président et certains de ses membres, sont déjà en stade dit « avancé » avec une filière en cours de finalisation ou finalisée.

S’il reste encore du travail, le progrès est notable, partout où les filières sont encore au stade initial ou intermédiaire. La DGOS aura l’occasion de vous en présenter un bilan plus complet.

Afin d’accélérer cette dynamique, j’ai fixé l’objectif que l’identification des filières soit achevée dans l’ensemble des régions d’ici la fin de l’année.

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Le troisième et dernier axe de notre Stratégie vise à mieux communiquer, former et informer l’ensemble de la société sur l’endométriose.

J’ai pu le mentionner d’entrée, l’endométriose reste encore, à certains égards, une maladie mal connue et parfois incomprise, y compris des professionnels de santé.

Je salue ici les actions déjà menées par l’Assurance maladie envers son réseau, de médecins-conseils tout comme des professionnels de premier et de second recours.

Ou encore l’amélioration certaine de l’accès à des informations fiables et vérifiées en ligne : l’espace dédié sur Santé.fr vous sera à ce titre présenté tout à l’heure.

Sans oublier de mentionner le formidable travail de terrain mené par les associations de patientes.
Mesdames, je vous remercie chaleureusement pour votre action et votre engagement, et je me réjouis que vous ayez tenues à être ici, pour vous présenter une partie de votre travail.

Je veux aussi souligner que, grâce à la Stratégie, l’endométriose a été inscrite dans les orientations prioritaires de DPC, qui ont vocation à accompagner notre politique nationale d’amélioration des pratiques des différentes professions et spécialités.

C’est un travail de fond, et, sans remettre en cause les efforts déjà fournis, je suis conscient qu’il faut aller plus loin.

L’enjeu très actuel de la reconnaissance en ALD de l’endométriose en est la preuve.

Si, grâce au dispositif de l’ALD 31, les formes graves et invalidantes de la maladie peuvent être prises en charge à 100%, toutes les femmes qui pourraient y avoir accès n’y ont pas toujours recours. Soit parce qu’elles sont encore en situation d’errance diagnostique ou thérapeutique, soit parce que parfois elles n’ont même pas connaissance de leurs droits !

L’instruction très claire que j’ai donnée est de travailler à cet enjeu, sur toutes ces facettes.

L’Assurance maladie et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole sont ainsi chargées de rédiger, en lien avec les associations, une nouvelle circulaire spécifique à l’endométriose, afin d’actualiser et d’harmoniser les principes directeurs utilisés pour l’évaluation des dossiers de reconnaissance en ALD des patientes atteintes d’endométriose. La Cnam aura l’occasion de vous en dire un peu plus au cours de nos échanges.

C’était une demande forte, c’était une nécessité, et cela sera fait d’ici la fin de l’année.

En parallèle, de nouvelles campagnes de formation et d’information seront menées envers les professionnels, un travail plus large sur le reste à charge pour les patientes ne relevant pas du dispositif de l’ALD sera conduit.

Là encore, tout cela devra être mis en œuvre d’ici la fin de l’année.

La Haute Autorité de santé (HAS) a également été saisie pour actualiser ses recommandations de bonnes pratiques et se prononcer sur les nouvelles innovations dans le diagnostic et la prise en charge de l’endométriose.

Homogénéiser, c’est assurer le principe d’équité. Et il ne faut jamais penser que la bataille de la communication serait gagnée, non, il en faut encore et toujours.

Car il y a un point qui, au fond, reste une forme d’angle mort, quel que soit le niveau de gravité de la maladie, que l’on ait recours au dispositif d’ALD 31 ou pas : il y a besoin de mettre un mot sur la maladie.

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Mesdames et Messieurs, si je n’ai en aucun cas pu être exhaustif sur ce que porte et ce que permet notre Stratégie nationale de lutte contre l’endométriose, je pense en avoir dressé un aperçu global.

C’est pourquoi je cède sans plus attendre la parole à la ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, afin que nous puissions entrer dans le vif de ce Comité de pilotage, et en approfondir ses aspects les plus saillants.

Je terminerai en saluant la belle dynamique qui existe ici en Bretagne, que j’ai pu constater tout à l’heure en rencontrant les acteurs de la filière, et toute l’énergie qui anime les parties prenantes à cette Stratégie.

Tout cela, et tout ce que nous avons déjà accompli, me conforte dans la certitude que nous réussirons à donner corps à la promesse collective que je réaffirme : l’endométriose n’est pas une fatalité.

Je vous remercie.