Discours d’Agnès Buzyn - Pot de départ de Benoît Vallet, le mercredi 31 janvier 2018

seul le prononcé fait foi

Madame la ministre,

Mesdames, messieurs les directeurs,

Monsieur le secrétaire général,

Mesdames, messieurs les parlementaires,

Mesdames, messieurs les professionnels de santé,

Cher Benoît,

Résumer une vie comme la vôtre est un exercice, pour le moins périlleux, au regard de vos prouesses, de vos facettes, nombreuses et remarquables.

Médecin, chercheur, professeur des universités, directeur général de la Santé, et, aujourd’hui, conseiller—maître à la Cour des comptes, votre parcours est riche et diverse.

Pour autant, le fil rouge de votre vie apparaît de lui-même : protéger la santé des Français, avec constance et abnégation.

Dans ces différentes fonctions, vous incarnez non seulement la raison scientifique, la rigueur universitaire, mais aussi un goût prononcé pour le terrain, le travail en équipe, les échanges internationaux, où la santé s’empreint de solidarité.

Votre parcours, je le disais, est exceptionnel. Médecin anesthésiste-réanimateur, vous devenez en 1998, à Lille, Professeur des Universités – Praticien Hospitalier.
Auteur de plus de 200 publications internationales, vous vous impliquez au sein des sociétés savantes d’anesthésie-réanimation

  et dans la vie institutionnelle du Centre Hospitalier Régional Universitaire (CHRU) de Lille, où vous êtes élu, en 2011 Président de sa Commission Médicale d’Etablissement (CME).

Votre sens du dialogue, votre engagement dans les débats vous font très vite remarquer par les responsables nationaux de ce ministère.

1. C’est en octobre 2013 que vous êtes nommé Directeur général de la Santé.

Depuis lors, vous avez eu la responsabilité, cher Benoît :

  de promouvoir des plans d’action en santé publique ;

  et de mettre en œuvre les politiques publiques afférentes, dans le cadre des moyens alloués ;

  de les faire appliquer par les agences et les services ;

  puis d’en évaluer l’impact ;

  et d’y apporter les ajustements nécessaires ou de proposer les dispositions législatives appropriées.

1.1. Nous vous devons une stratégie d’influence renforcée, empreinte de multilatéralisme, et de coopérations, au cours de ces 4 dernières années. A titre d’exemple :

  la DGS est représentée au sein du Conseil Exécutif de l’OMS, et investit des champs internationaux prioritaires ;

  et vous avez renforcé les liens avec les instances européennes, en particulier avec les directeurs santé de la Commission Européenne.

Vous avez valorisé nos politiques de santé publiques. Je pense :
  à la conférence Ministérielle Internationale sur le paquet neutre, en juillet 2015 ;

  ou encore à la conférence sur la sécurité sanitaire internationale, en mars 2016.

Vous avez également pris en compte les outils internationaux disponibles pour élaborer les politiques nationales.

Bref, vous avez porté avec brio les grands enjeux de santé publique nationaux : la France vous doit d’être devenue, aujourd’hui, un acteur incontournable en la matière, sur la scène internationale.

1.2. Vis-à-vis des territoires ultramarins, je vous suis reconnaissante :

  d’avoir réservé un volet outre-mer spécifique au sein de la Stratégie nationale de santé (SNS) ;

  d’avoir assuré une mise à niveau du droit ultramarin ;

  et d’avoir renforcé les missions d’évaluation et d’appui du ministère dans ces territoires.

Le ministère sera présent, et c’est votre héritage, lors des Assisses pour les outre-mer, qui doivent – c’est l’engagement du président de la République – proposer des conditions de développement durable de ces territoires.

1.3. Par ailleurs, le ministère vous doit une communication des agences renforcée, et mieux coordonnée – en particulier en situation d’alerte ou de crise, vers les professionnels de santé.

(i) J’aimerais insister sur ces moments, car c’est en sans doute en situation d’alerte, en situation de crise, que l’on juge le mieux de la valeur d’un être.

A cet égard, cher Benoît, vous fûtes exemplaire. Votre mandat, nous le savons, a été marqué par de nombreuses alertes sanitaires.
Pour baptême du feu, vous devez faire face aux décès de nourrissons à l’hôpital de Chambéry, liés aux poches de nutrition parentérale produites par le laboratoire Marette ; et avant de quitter vos fonctions, vous prenez en main l’affaire Lactalis.

Qu’il s’agisse :

  de la canicule,

  de l’épidémie de chikungunya aux Antilles en 2014-2015,

  de l’épidémie de zika aux Antilles en 2016,

  ou encore des problèmes de sécurité biologique à l’Institut Pasteur de Paris, où, accompagné de votre épouse, Anne, vous devenez un habitué des allers-retours Paris-Lille ;

  vous avez su faire face à ces drames, avec l’urgence de l’action, comme la patience de votre intelligence.

Je pense également aux autres nombreuses crises : comme Ebola, les attentats en Ile de France en janvier et novembre 2015, à Nice en juillet 2016, ou encore au cyclone Irma aux Antilles en septembre 2017.

Dans toutes ces crises, vous étiez réactif pour assumer vos responsabilités, prendre les bonnes décisions, soutenir les agents du centre de crise sanitaire et être au plus près des dispositifs opérationnels.

Ainsi, vous vous êtes rendu à de nombreuses reprises vous-même, sur le terrain :

  à 5h00 du matin à l’aéroport de Roissy pour réaliser les contrôles de température des voyageurs en provenance de Guinée pendant l’épidémie d’Ebola ;
  à Mayotte pour apprécier la situation sanitaire sur le terrain ;

  à Saint Martin et Saint Barthélémy juste après le passage du cyclone Irma.

De même, le 13 novembre vous marque profondément : vous ouvrez le centre de crise ici, au bureau, vous passez la nuit au ministère.

Vous avez beau être un excellent stratège, cher Benoît, vous n’en demeurez pas moins un médecin, qui aime se frotter à l’empirie.

En un mot, vous avez positionné la sécurité sanitaire comme élément majeur de la capacité d’un Etat à se préparer, non seulement pour répondre aux crises, mais aussi pour renforcer la résilience de la société.

  En lien avec le Conseil National des Urgences Hospitalières et le Service de Santé des Armées, vous avez aussi amélioré la formation à la réponse aux situations sanitaires exceptionnelles.

(ii) En matière de communication, toujours, vous avez su adapter vos équipes à la transition numérique, en développant une nouvelle stratégie de communication externe, sur Internet et sur les réseaux sociaux :

  je pense par exemple à la « campagne des risques de l’été » sur Twitter ; vue par plus de 3 millions d’internautes.

1.4. Vos réalisations furent, là aussi, aussi riches que nombreuses, tout comme dans le champ de la santé-environnement.

Je pense à vos travaux sur les perturbateurs endocriniens, sur la pollution de l’air, la pollution sonore, sur le changement climatique ; mais aussi, en matière d’alimentation, le Nutriscore, l’activité physique et les pesticides.

1.5. Enfin, parler de santé, ce n’est pas seulement parler de guérison, mais aussi de bien-être, d’humanité.

(i) Aussi avez-vous contribué à informer de façon pratique les personnes atteintes d’une maladie chronique, et ce pour les aider à mieux vivre avec leur maladie – je pense au portail « vivre avec », sur le site du ministère.

(ii) La santé, je le disais, ne se résume pas à la guérison, mais aussi – et peut-être avant tout – à la prévention, et à la promotion : c’est sous votre égide, cher Benoît, que fut créée Santé publique France.

(iii) Parler de santé, c’est aussi parler d’éthique.

Là aussi, cher Benoît, votre héritage nous sera précieux :

  tant les questions éthiques et bioéthiques restent au cœur de l’action de la direction générale de la santé (DGS), à la mesure des innovations techniques et scientifiques.

Vous apportez votre pierre à cette loi essentielle, indispensable, du 2 février 2016, la loi Cleays-Leonetti, qui ouvre de nouveaux droits en faveur des malades, ainsi que des personnes en fin de vie.

Le second semestre de l’année 2017 a vu débuter les premiers travaux préparatoires de la révision de la loi bioéthique de 2011 :

  dont l’élaboration est prévue en 2018,

  pour une adoption début 2019.

1.6. Cela étant, si je devais retenir un fait d’armes, ce serait la mise en œuvre, en octobre 2017, de la nouvelle « Stratégie Nationale de Santé » (SNS).

A mes côtés, vous avez favorisé une approche interministérielle, multidisciplinaire et intersectorielle des déterminants de la santé de la population,

  au travers des travaux préparatoires du « Comité Interministériel pour la Santé ».

2. Pour autant, vos réalisations dans ce ministère disent peu sur ce qui fait de vous, cher Benoît, un homme si singulier.

2.1. Ce que dit votre parcours, c’est tout d’abord que vous êtes un bourreau de travail.

D’aucuns reconnaissent votre volontarisme : vous ne prenez jamais de dossier, cher Benoît, vous vous en emparez, vous les travaillez à fond, vous n’hésitez pas à poser toutes les questions.

Votre esprit, cette « belle mécanique intellectuelle » comme le disent vos équipes, vous aide, non seulement à travailler toute la nuit, mais à anticiper, à être visionnaire.

Loin de vous limiter à la gestion, vous anticipez sur la manière dont les choses doivent évoluer, pour vous adapter en amont à l’évolution de notre société, des comportements humains.

Sous votre mandat, la direction générale de la santé s’est beaucoup plus ouverte sur l’extérieur.

  Pour ce faire, vous mouillez votre chemise, quitte à parfois affronter avec franchise vos détracteurs.

2.2. Une autre de vos qualités – et non des moindres – consiste dans votre intarissable curiosité. Pour vous, pas de domaine réservé, pas de sujet interdit : tout vous intéresse.

Vous avalez, tel Pantagruel, des piles de documents, rencontrez pléthore d’interlocuteurs, et faites de ce tas un tout, de ces connaissances une admirable synthèse.

Vous impressionnez les responsables de projets, par votre connaissance souvent supérieure du dossier qu’ils portent pourtant.

2.3. Malgré votre rythme de travail, au pas de charge, vous restez pointilleux, en toute circonstance.

Jamais de faute d’orthographe, ou de ponctuation, dans aucun de vos mails, très policés.

Ce polissage, cher Benoît, se retrouve jusque dans votre bureau toujours parfaitement propre, rigoureusement carré. Vos chaussures, je peux en attester, sont toujours impeccables.

Vous êtes respectueux de tout le monde, mais en même temps, très exigeant avec vos équipes : vous voulez qu’elles partagent votre implication, vos convictions.

Vous recevez toujours les agents, vous prenez de leurs nouvelles s’ils sont malades.

Malgré votre casquette de directeur d’administration centrale, c’est alors le médecin anesthésiste-réanimateur qui prend le dessus, lorsque le collègue, l’ami, présente des défaillances.

2.4. Pour autant, votre passion pour les enjeux sanitaires ne saurait vous résumer, cher Benoît.

  Sans votre amour pour le squash, votre mandat à la direction générale de la santé aurait été, disons, moins percutant.
  Votre épouse, et les 7 enfants de votre famille recomposée, vous apportent l’affection et la sérénité nécessaires pour affronter les défis professionnels.

  Votre père vous avait éduqué à la lecture, en particulier à la lecture en langue anglaise, ce qui fait de vous, non pas seulement un médecin, mais aussi un lettré.

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Mesdames, Messieurs,

Cher Benoît,

Tous ces exemples montrent combien vous avez œuvré, avec diplomatie et ténacité, pour faire aboutir des réformes structurantes pour la sécurité sanitaire.

A juste titre, la nation vous a exprimé sa reconnaissance en juillet 2015, en vous nommant Chevalier dans l’ordre national de la Légion d’Honneur.

En somme, vous conjuguez, avec une rare habileté, l’agir et le penser. Vous faites vôtre, au quotidien, cette maxime d’Henri Bergson :

  « agir en homme de pensée et penser en homme d’action ».

Le magistrat que vous êtes aujourd’hui saura, je n’en doute pas, mettre à profit dans ses avis votre connaissance du réel, de son épaisseur, de sa rugosité.

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