Interview de Roselyne Bachelot-Narquin à l’occasion de la création du CHAS

Roselyne Bachelot-Narquin, ancienne ministre de la Santé, a été nommée le 18 mars présidente du nouveau comité d’histoire des administrations chargées de la santé (CHAS). Créé le 11 mars, ce comité a notamment pour missions de reconstituer l’histoire de la politique publique de la santé et d’approfondir les connaissances historiques sur le rôle du ministère chargé de la santé, notamment en matière de gestion des crises sanitaires. Sa nouvelle présidente a répondu à nos questions.

Vous avez accepté cette présidence du comité d’histoire nouvellement créé, pouvez-vous nous dire à quoi répond cette création ?

La création du comité d’histoire des administrations chargées de la santé (CHAS) comble une lacune surprenante ! Il était très étonnant que ce ministère, plus que centenaire, n’en dispose pas alors même que c’est une structure qui existe dans de nombreuses institutions. En tant que ministre de la Culture, j’avais eu l’occasion de juger de l’utilité d’un tel comité présidé par la remarquable Maryvonne de Saint-Pulgent. Avec cette création du CHAS on comble un manque qui était devenu d’autant plus évident que le ministère de la Santé a traversé des crises et en particulier la COVID 19. On le voit bien, aujourd’hui encore, avec le débat sur la loi portant sur la fin de vie où le ministère se retrouve en première ligne sur des évolutions législatives portant sur des questions sociétales. Il est donc nécessaire d’avoir tous les outils pour éclairer les débats, les réflexions. Je tiens d’ailleurs à saluer tout le travail de préfiguration de ce comité, effectué par François Boddaert qui a mis son expérience d’ancien secrétaire général d’un comité d’histoire Jeunesse et sport pour dresser les lignes actuelles du CHAS. J’en profite également pour rendre hommage à Didier Houssin, ancien directeur général de la santé, qui avait célébré le centenaire du ministère en 2020 et qui avait, à l’époque, jeté les bases de la réflexion sur l’histoire de la santé.

Qu’est-ce qui vous a motivé à accepter d’en prendre la présidence ?

Pour être très transparente, j’avais pris la décision de ne plus accepter de nouvelles fonctions étant donné que j’ai déjà un certain nombre d’engagements caritatifs et humanitaires que je tiens à exercer. Néanmoins, lorsqu’il m’a été proposé de prendre cette présidence du comité d’histoire, je l’ai reçu comme un honneur. En effet, de toutes mes fonctions, celle de ministre de la Santé correspondait à une suite d’engagements très profonds sur les questions sanitaires et sociales, aussi bien en tant que qu’élue locale, mais aussi comme députée et puis comme militante caritative. J’ai donc accueilli cette demande à la fois comme un honneur et un défi car j’ai l’intention de m’impliquer, de ne pas être une présidente honorifique. Je veux exercer cette fonction de façon opérationnelle. Au-delà, cette présidence va me permettre de retrouver des personnalités auxquelles je suis profondément attachée.

Comment vos expériences en tant que ministre de la Santé mais aussi de la Culture vont-elles inspirer votre approche à la tête du CHAS ?

Ce que j’ai dit d’emblée au Secrétaire général des ministères sociaux, Pierre Pribile et à François Boddaert, préfigurateur de ce comité, c’est que je souhaitais placer mon action sous le parrainage prestigieux du grand historien Marc Bloch qui disait que : « l’ignorance du passé ne se borne pas à nuire à la connaissance du présent, elle compromet dans le présent l’action même. » En d’autres termes : si on ne sait pas d’où on vient, on ne sait pas où on va.

Le CHAS réunit une variété de personnalités universitaires, d’experts et de représentants d’institutions. Comment envisagez-vous de faciliter la collaboration entre ces différents acteurs ?

Mon objectif est de créer un espace démocratique et scientifiquement rigoureux, où chaque voix, notamment celles des agents du ministère, peut être entendue. L’importance des témoignages oraux sera déterminante pour recueillir des perspectives uniques. Je veux que les agents sentent qu’il s’agît de leur comité d’histoire et pas d’un club qui ne donnerait la parole qu’à d’anciens ministres. Pour autant, il ne s’agit pas, non plus, de n’avoir qu’une vision « populaire » de cette histoire, il faut aussi que la matière serve via des matrices de réflexion. C’est tout ce que va apporter l’expertise académique qui permettra d’élaborer des réflexions structurées. La création du CHAS s’accompagne donc de la mise en place d’un comité plénier et scientifique, avec l’ambition d’éviter toute querelle d’ego ou sectaire. La contribution de personnalités comme l’historien et sociologue Georges Vigarello, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, pour ne citer que lui, enrichira nos travaux de perspectives précieuses.

Quels sont vos objectifs en termes de diffusion des recherches et connaissances historiques auprès du ministère et du public ?

A l’instar de ce que font les autres comités d’histoire, nous allons organiser des journées d’études, des colloques, des séminaires. Nous décernerons des prix de thèse. Les premières réunions de notre comité vont nous permettre de définir les modalités de diffusion de nos travaux. Cela passera sans doute par des articles dans des revues, des publications, nous pourrons aussi financer des éditions. Nous participerons également à des commémorations, à des anniversaires. Notre but est de partager nos travaux avec le ministère et le public. Nous allons vite enrichir notre compréhension collective de l’histoire de la santé.

En savoir plus :
https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000049283116/
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049295416